Ailleurs

 

Mardi soir, il est vingt heures. Je reçois un appel de celui que je devrais appeler « mon amour ». Il me dit qu’il est là, à deux ou trois centaines de mètres de moi, qu’il m’attend. Il se trouve en fait au milieu de mon parc préféré, le parc plus romantique et le plus merveilleux qu’il soit. Il observe surement le coucher du soleil en m’attendant. Le tableau doit vraiment valoir le coup d’œil. Et pourtant, j’hésite à y aller.

 

Toute cette mascarade n’est qu’une réponse à ma journée d’hier. Il est vrai que, la veille, nous avons passer une journée plutôt mouvementée, ponctuée de mots qui n’avaient ni queue ni tête.  Je pense qu’on peut répertorier les mots en plusieurs catégories. Il y a de ces mots éphémères qu’on nous ressasse tous les ans, « joyeux noël », « joyeux anniversaire ».  Des mots dont on ne se lasse jamais, peu importe leur sincérité, « tu me manques ». Et enfin ceux qui font mal, « je ne t’aime plus ».

 

Vingt heures trente, je me décide enfin. J’y vais. Le voir, le serrer dans mes bras, lui dire que je l’aime, qu’on s’en fout du reste et que tout ira bien. Je marche dans la rue d’un pas décidé et rapide. Plus rapide que quand j’avais quinze ans et que je me rendais à mon arrêt de car pour aller au lycée. Plus rapide que quand je marche sous la pluie car de toute manière je me moque de mon brushing inexistant. Plus rapide que quand j’ai l’impression de me faire suivre dans la rue.

 

J’ai le sentiment d’avoir quinze ans. D’être une gamine pré-pubère qui va rejoindre en douce son amoureux dans la nuit, à l’abris des regards indiscrets, au fin fond d’un parc. Sans avoir averti ses parents, mais qui a prévenu son meilleur ami par un simple texto.

 

J’arrive essoufflée. Il me susurre quelques mots à l’oreille. Des mots doux et tendres comme je les aime. Des mots justes et non dénués de sens comme je les prônes. Des mots riches et connotés comme je les emploies. Des mots que seul un homme sait dire à une femme. Que seul un homme aimant peut prononcer. Des mots qui virevoltent et te transportent. Des mots lourds qui s’ancrent en toi, à jamais.

 

Je me sens comme une héroïne de comédie romantique à l’américaine. Je deviens alors une de ses Julia Roberts, Katherine Heigl, Anne Hattaway et autres Jennifer Anniston. La chevelure flamboyante bercée par la brise légère. Les yeux étincelants, émus par tant de tendresse. Mes sens sont en éveils, mes sentiments sont forts. En fait, je me sens forte. Aidée par la force de l’amour. Je me sens pousser des ailes.

 

Ca semble irréel. Cette situation me paraît fausse, ces mots magnifiques ne sonnent pas justes. J’ai l’impression de rêver.

 

On rêve tous d’une autre vie, c’est un fait, mais peu d’entre nous vivent dans leurs rêves. On joue sur les mots, on s’invente des histoires qui nous transportent.

 

On croit qu’un autre monde est possible. Et si … ?